Difficile de résister lorsqu’une petite voix me suggère, un soir, d’écouter l’album d’Astrud Gilberto, Now, en dégustant un verre de vin, installée dans mon canapé. A peine quelques notes de cet objet sorti sous le label Perception, et déjà la chanteuse transforme mon beaujolais nouveau, un peu fade, j’en conviens, en bossa-nova.
Plongée dans le rouge intense de mon verre : Zigy Zigy Za. J’observe l’horizon, assise sur le sable de l’une de ses plages de Rio de Janeiro. En face de moi, la « nouvelle vague » brésilienne s’agite en mer. Nous sommes en 1972, et depuis vingt ans déjà, elle se développe, bercée par le jazz et la samba. Mais avec Now, le courant est devenu plus envoutant que jamais. Avec son timbre aussi profond que fragile, Astrud Gilberto rend hommage au style phare brésilien, tout en explorant danses latines (Baião), nonchalance soul (Touching You), ou rythmiques funky (Take it Easy My Brother Charlie). Les dieux-musiciens de cette époque sont présents sur ce disque. Airto Moreira aux percussions, Mike Longo aux claviers, Billy Cobham à la batterie, Deodato à la guitare acoustique, Patrick Adams à la basse : tous rendent la nouvelle vague si puissante que même Poséidon a préféré s’incliner ce coup-là.
Après les différentes chansons alternant anglais romantique et portugais mélancolique, l’album se termine. Daybreak. Surprise par ce retour abrupt à la réalité, je sursaute et me cogne au mur contre lequel le canapé est adossé. Une nouvelle vague bossa-nova somptueuse pour Now, et une bosse naissante bossa-nova à la tête pour moi. La définition de bossa est parfois injuste, mais une chose est sûre, avec Astrud Gilberto, elle ne laisse jamais son auditeur indemne. Pas de vin la prochaine fois, petite voix.

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Selma Namata
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BBE Records : Bandcamp