Go go Goraguer, ça avance. Alain Goraguer est ainsi fait : giratoire. Sautillant sur une planète sauvage, jaillissant d’un ravin jazz, désertant avec Vian, réarrangeant Régine, samplé par Madlib et J Dilla ou carrément classé X. Goraguer go go, il avance. C’est, en gros, ce que raconte le très bon En Studio avec Alain Goraguer, sorti par Rémi Foutel aux éditions Le Mot et le Reste, en mai dernier.
Exégète d’arrangeur grande classe, Foutel avait déjà ausculté, avec Julien Vuillet, la trajectoire incroyable de Jean-Claude Vannier. Point commun entre le précédent et ce présent livre, la passion. Celle de l’auteur pour son sujet, on l’imagine assez facilement, mais surtout la passion de Vannier comme de Goraguer, pour la musique. Bouffer de la vache enragée, supporter Gainsbourg, se glisser en loucedé derrière une tonne de plus ou moins tubes de la scène française. À défaut de preuves d’amour, voilà des preuves d’une tendresse infinie pour la chose musicale, pour ses terrains d’exploration et ses chausse-trappes. Nous disions ausculter pour décrire le mood d’écriture de Rémi Foutel. C’est de bien de ceci dont il s’agit. Dans En Studio avec…, il y a l’art et la manière. Comment Goraguer s’y prend, ce dont il rêve, ce qui lui aura manqué, ce qu’il remet en jeu de son imaginaire : « j’aime le baloche, mais point trop n’en faut », confie Gogo, entre deux pages consacrées à son travail immense sur Gainsbourg Percussions.
Du baloche, celui dont la liste d’artistes avec qui et pour qui collaborations, arrangements et compositions ont eu lieu, filerait le tournis à un atome crochu, garde le sens du populaire, de l’émotion classe et du grand spectacle épique. L’Affaire Dominici, La Planète Sauvage, La Montagne de Jean Ferrat en portent trace, autres traces laissées sur La Poupée de Cire de France Gall et sur les B.O. enregistrées, sous pseudo, pour les films érotiques où Brigitte Lahaie se mettait à nue. Fervent, drôle et populaire, quelques-uns des traits de caractère du bonhomme comme de son œuvre. Et le livre phénoménal de Rémi Foutel, sur un arrangeur-monde, de pousser ses curseurs comme un ingé son pousserait ceux d’une console de studio. Pour mettre en relief, pour éclairer. Pour produire du sens. Giratoire, forcément.
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Guillaume Malvoisin
texte extrait du numéro 5 de la revue papier
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Le Mot et Le reste : site web