« Autant le dire cash : c’est magnifiquement orchestré slash écrit slash arrangé. La profondeur des timbres, la finesse des transitions. Il y a de cette beauté de couleurs des ensembles free européens du mitan des années 70 mêlée à l’énergie punk d’un duo Booker Little-Eric Dolphy au Five Spot. »
l’autre collectif,
l’évadée, chalon s/s
mardi 7 octobre
— chronique
Non, l’enfer, ce n’est pas les Autres. Surtout pas ces Autres-là. Ceux de l’Autre collectif franco-norvégien-européen initié par Clément Mérienne, Sol et Hector Léna-Schroll, Sigfrid Aftret et Andrine Dyblie Erdal poursuivent une belle aventure. Preuve en est, hier, c’était quelque chose, cet Autre collectif augmenté de ses comparses norvégiens d’OJKOS. Avec un petit parfum de retour vers le futur. Il y a cinq ans, l’Arrosoir accueillait une petite dizaine d’entre eux ; ils reviennent à l’Evadée, plus proche de la quinzaine. Quatorze musicien·nes, cinq compositeurs, 80 minutes d’un set qui croise les textures denses avec des impros free et vénères. Dès les premiers instants, ça scotche : cette impression d’un tsunami qui avance, se déploie et se résorbe dans des nuances orchestrales empreintes de gigantisme. Autant le dire cash : c’est magnifiquement orchestré slash écrit slash arrangé. La profondeur des timbres, la finesse des transitions. Il y a de cette beauté de couleurs des ensembles free européens du mitan des années 70 mêlée à l’énergie punk d’un duo Booker Little-Eric Dolphy jouant au Five Spot.
Et on observe alors les petites subtilités entre compositeurices. Les systèmes de Clément Mérienne, acoustiques et électroniques, aux métriques qui s’emboitent les unes dans les autres, transforment le band en une courbe sinusoïdale géante, dynamiques à nues. Musique répétitive et chase entre pupitres de Pendule n°9 d’Hector Lena-Schroll. Musique de l’urgence, délirant de traits virtuoses du saxophone de Sol Lena Schroll. Son énorme, veine bruitiste, énergie libertaire des pupitres, avec une basse profonde et une batterie de poings. L’orchestre nous tient dans cette intensité, nous balade aussi, guide alpin au travers de cimes et d’immensités sonores. Descente par le col ouvert par le duo euphonium-violon aux textures mélancoliques et intense, remontada par le ténor Sigfrid Aftret dans une bagarre coltranienne contre la batterie. « Le jazz, c’est comme les bananes, ça se consomme sur place », comme dit l’Autre sartrien. Il fallait y être, sur place, mardi soir.
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textes de Lucas Le Texier
photos © DR
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