« C’est une leçon d’absurdité, pirouette pour détourner l’étiquette de rap conscient et assumer une mélancolie pas très street cred. »
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Maëlle Desbrosses, altiste
à propos de Vald
le matrimoine de .pointbreak
— hélène duret
Mon lien à Schubert est un peu indescriptible. J’ai démarré l’orchestre en jouant sa Messe en Si et ma vie a pris un tournant ce jour-là (je me destinais à la médecine, donc petit 360, ici). Un des plus grands chocs musicaux avec le quatuor La jeune fille et la mort. Je suis ado et fantasme un génie précoce, prolifique et tourmenté, habité par un démon de l’âme que seule la musique peut sauver. L’analyse des symphonies m’a passionnée en mode Nerd Magazine et, quant aux lieders, ils font toujours partie de ma pratique pianistique et d’une grande source d’inspiration. Schubert forever, en somme.
J’ai mis du temps à accepter qu’ayant découvert le jazz tardivement, mes influences venaient surtout de mon expérience d’interprète. Quand j’ai commencé à improviser, j’ai ressorti les œuvres pour alto que j’aimais, sans comprendre que c’était ça mon véritable langage : le Lachrymae de Britten, l’Élégie de Stravinsky, la Pavane de Hersant mais surtout Hindemith. Est-ce parce qu’il était altiste que sa musique me parle autant ? C’est à lui que je dois mon amour des doubles cordes, ma passion de la sculpture du son (je peux aussi l’attribuer à Bach que je joue chaque semaine mais trop facile).
J’oublie souvent de mentionner une partie de ma vie musicale qui a pourtant dû laisser des traces indélébiles dans mes oreilles, hormis les acouphènes. J’ai été DJ pendant près de 5 ans. Ça fait une grosse quantité de disques passés mais le king Aphex Twin s’est imprimé au fer rouge dans mon cerveau. Je l’ai pourtant peu joué, pas si dance floor que cela, et bien que j’ai commencé bien 10 ans après son apparition, je trouvais, comme Björk le disait, que c’était un pionnier. C’est drôle, c’est sensible et j’ai tout de suite senti le côté chercheur de cette musique qui ne ressemble à rien d’autre.
J’ai entendu Tim pour la première fois dans Big Satan avec Marc Ducret et Tom Rainey. C’était à Toulouse, en 2018. Je débute alors en musique improvisée, et la transition avec le classique se fait dans la douleur. Le concert me percute. On me disait à cette époque qu’il fallait que je relève pour apprendre. Ok. J’ai commencé et relevé beaucoup plus de Berne que de Parker. Son album solo et les vidéos faites chez lui pendant le confinement sont pour moi une grande leçon à laquelle je reviens tout le temps.
Le travail électronique de Thomas Bonvalet me fascine. Il me plonge dans un monde de machines avec des rythmes obsessionnels qui me mettent en transe, des sons toujours nouveaux. J’adore écouter des musiques qui se placent à la frontière, où je ne comprends pas toujours comment c’est pensé, construit. Powerdove, c’est pour moi la quintessence de la chanson, une poésie enveloppée d’une musique taxée d’expérimentale mais qui semble être la norme à mes oreilles. Énorme influence du répertoire de Maëlle et les Garçons !
Découverts au Hellfest, coup de foudre immédiat. Mélangeant slave songs, gospel et black metal, le métissage riff et chains a été une évidence pour moi. Ça a nourri mon amour du metal et m’a fait replonger dans Lomax. Pour la petite histoire, le groupe a été créé en réponse à un challenge raciste lancé sur le forum 4chan : mêler de la « n*gger music et du black metal ». Meilleure réponse politique possible au milieu du metal qui reste très blanc. Ce groupe hybride tourne avec Meshuggah et joue à la fois au Hellfest et au Montreux Jazz festival. Amen aux ovnis.
Je ne regarde aucune statistique d’écoute mais je peux assurer que c’est l’artiste que j’écoute le plus tous supports confondus. Obsession du flow, des backs, du travail sur la langue qui rend le texte imprévisible. Obsession de la vision sociologique, Philosophie pour les nuls avec des snare dessus. C’est une leçon d’absurdité, pirouette pour détourner l’étiquette de rap conscient et assumer une mélancolie pas très street cred. Son obsession des instrus et, enfin, des formes atypiques, arrive à un tel point que j’irais même jusqu’à en relever une pour une compo.
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textes : Maëlle Desbrosses
article extrait du numéro 3 de la revue papier