Chroniques live prises sur le vif
des concerts à la Dynamo
Rencontres AJC 2024
textes : guillaume malvoisin
photos © Maxim François / AJC
décembre 2024
Rencontres AJC, deuxième soirée. Après la pouponnière, la pépinière. Après Jazz Migration et l’émergence, le programme Jazz With. Jazz wizzz sans doute, tant le terrain est glissant dans la diffusion et les échanges inter-européens sur ce répertoire. Tout récent programme, Jazz With entend faire briller les 12 étoiles originelles du continent pacifié, là où un Elon Musk tente salement de les éteindre. Sournoisement. Beaucoup plus franches, ces trois formations lancées, chacune, dans une rencontre pléthorique et réjouissante. Chill, d’abord, avec Cheel. Louise Volkmann braque l’oreille sur une forme classe d’improvisation. Saxophone hyper lyrique, férocement aérien. Anche portée sur le dur et le péremptoire. De quoi définir quelques points de conjonction avec ce trio. Chacun propose, et tous disposent. Paul Jarret, guitariste prolixe et superactif ces derniers temps, semble n’avoir fermé aucune porte d’invention, renversé aucune table d’harmonie. Max Andrzejewski mène l’ambiance, parfait travail aux mailloches, joliment léger sur le cuivre. Cheel joue cursif, et très ouvert. Largement suffisamment pour qui voudra se laisser prendre dans ses filets. C’est très doux. Tout aussi doux, T.I.M. Sans le toutim des trios démonstratifs, la formation menée par Sébastien Palis, la joue pop. Suave, étherée, Longues pièce hypnotiques comme autant de petits livres ouverts sur des secrets qu’on murmure du bout de la langue, et d’où s’échapperaient des chants captés par Jean Malaurie (Pertsi), des doubles cordes, des petits incendies intimistes et révélateurs. T.I.M. avance par touches, si ce n’est inouïes ou inédites, personnalisées par cette volonté de traquer la trace qu’elles peuvent laisser au tympan. À suivre, donc.
Entre temps, Weave 4 aura entrelacé des merveilles de sensibilité. Ça peut avoir l’allure du vélo de Remco Evenepoel, après sa chute à l’entraînement le même jour. Ou celle de sa clavicule. Rien n’est droit, tout est fracturé et mis en constellation sur l’asphalte. Et c’est dans une fracturation similaire et dans les miroitements qu’elle prodigue, qu’avance, masquées, les secousses de ce quatuor franco-anglo-italien. Sous la surface morcelée, fourmille le savoir-faire, le parcours d’un musicien comme Benoît Delbecq, enfin soulagé d’avoir retrouvé Francesco Diodati, calé patiemment derrière un taps de la Dynamo. Steve Argüelles se livre, lui, à une petite masterclass live de rimshots, porté par la complicité séculaire qui le lie au pianiste. Dans le tricotage en règle, où l’avant-garde danse avec ce que le free aura laissé de souvenirs à ces musiciens, sonnent des ballades tirées d’une américana dégingandée, des beautés presque indicibles, de petites joies microtonales, des landscapes tout juste imaginaires et furieusement concrets. Weave 4, tout en entier versé dans ses tissages ultra-sensitifs, se pose des équations bruitistes pour le seul bonheur, qu’on devine frappé d’un plaisir patent, d’en trouver des solutions veloutées. Conçues et déduites à quatre congénères. Entiers, fracturés, et, signe des temps, très élégants sur l’asphalte de la grande course du monde.
Jazz With, pari européen à plusieurs variables est aujourd’hui un pari réussi. En 2024, 100 candidatures ont été reçues – faisant de ce projet une réponse à une réalité complexe partagée par de nombreux·ses artistes du vieux continent. AJC est alors ramenée à son esssence : la promotion d’un « jazz européen » de grande qualité, dans lequel sont inseré·es les musicien·nes français·es. Or, cette présence souffre de nombreuses difficultés et c’est pour cela que Jazz With a été imaginé. Promouvoir et rendre visible ces collaborations, soutenir financièrement et accompagner le montage de tournées optimisées grâce à nos réseaux, voici le nerf des batailles à venir pour Jazz With.