les disques du mois

OK podium

des disques pour 2024

par la rédaction de PointBreak
— sélecta de Pierre-Olivier Bobo, Selma Namata, Lucas Le Texier et guillaume malvoisin

Morphose, The Bridge sessions
Hubble Dreams
Rare Birds / Orchestre Incandescent
Rare Birds / Orchestre Incandescent

Ventre Unique
Cumgirl8

Byard Lancaster — The Complete Palm Recordings 1973-1974
— Souffle Continu Records

Joindre le Love Supreme de Coltrane aux hanches de la Sex Machine de James Brown. Il y a pire devise, il y a pire aveu pour un saxophoniste. Le coffret que Souffle Continu consacre in extenso aux passage de Byard Lancaster chez Palm, entre 1973 et 1975, révèle cette tension entre sacré et profane. Dans les 4 disques et bonus, Coltrane surgit ici ou là, flamboyant d’âme, le groove de la Great Black Music, aussi. Le saxophoniste de Philadelphie y sonne plus actuel que jamais : intimiste, insolent, pop et tourné vers les effets de technologie. Faire de ces rééditions un des disques de l’année peut paraître incongru mais la mauvaise foi fait partie de l’arsenal PointBreak, et aucun argument n’est utile pour lancer qui voudra dans une écoute qui hantera longtemps celui qui s’y risquera.

— gm

The Sky Is Crying © Raffaëlle Bloch

Tristan Arp — a pool, a portal
— Wisdom Teeth

J’ai une théorie selon laquelle l’ambient est la musique définitive pour accompagner la pratique d’une activité semi-automatisée, comme remplir des tableurs Excel ou tricoter. Elle « doit être capable d’accommoder tous les niveaux d’intérêt sans forcer l’auditeur à écouter », et « doit être discrète et intéressante », disait Brian Eno en 1978 lors de la sortie de son Music for Airports. L’écoute d’a pool, a portal, le troisième album de Tristan Arp, s’avère purement satisfaisante, si je devais reprendre le terme utilisé désormais pour qualifier à juste titre certains contenus vidéos sur Internet qui procurent une sensation de bien-être sensoriel.  À l’image des incroyables photographies de Zhang An pour la pochette du disque, la musique de Tristan Arp s’avère infiniment précise et élégante. Intelligente et fun. Elle multiplie les couches et textures, enchevêtre violoncelles, machines et voix susurrées. La bande-son d’un monde nouveau, réinventé, satisfaisant.

— pob

Pokey Lafarge — Rhumba Country
— New West Records

À l’élection du dandy de l’année, Pokey LaFarge serait vraisemblablement sur le podium. Gueule d’ange sorti des années 50, le guitariste a sorti cette année son dixième album studio, croisant la rumba, mambo et l’exotica dans son répertoire habituel de western swing et de country blues. Les vieux orchestres populaires ne sont pas loin, par la finesse des timbres de voix et des backs orchestraux (For A Night). Rhumba Country est léger, facile, précieux. LaFarge, voix de crooner, tourne côté pop sur Like A Sailor, blues sur So Long Chicago, soul sur It’s Not Over. A écouter d’une traite, en dodelinant légèrement de la tête.

— llt

Rare Birds / Orchestre Incandescent

Yes Ma’am — How Many People How Many Dogs
— Flail Records

Yes Ma’am existe depuis une dizaine d’années du côté des buskers de la Big Easy. How Many People How Many Dogs est leur quatrième album. Sorti chez Flail Records, le disque est typique du répertoire des string bands, dans ce mélange folk, blues et punk. Avec un petit truc en plus : la bande à Matthew Bracken Edens stomp tout ce qui bouge. Du classique Foggy Mountain Breakdown, devenu un country up-tempo avec Goin’ Home, et Reuben’s Train. Du rag bien au fond du temps avec G Burns, et ces petits plaisirs des string bands, dans les échanges entre traits de fiddle et roulements de banjo. Yes Ma’am s’écoute avec un pied qui bat la mesure, comme une botte de cow-boy sur la piste de danse.

— llt

Various — Tokyo Riddim Vol. 2 1979-1986
— Time Capsule

Tokyo Riddim Vol. 1 1976-1985 était déjà une petite merveille. Tokyo Riddim Vol. 2 1979-1986 ne fait qu’ajouter de l’or sur un premier trésor. Non, le reggae japonais n’est pas une blague. C’est un style à part entière qui rappelle même le meilleur des années Jamaïque de Grace Jones. « I can’t wait », répète Teresa Noda dans Tropical Love. Ici, non plus, on n’en peut plus, impatients de faire tourner ce son pour finir l’année. Les karaokés nocturnes nippon ont pris une belle allure de festival rasta où dansent Teresa Noda, mais aussi Yosui Inoue, Juicy Fruits, Yuki Nakayamente, Risa Minami, Kay Ishiguro et Tomoko Aran…  Interprétations solaires, rythmées, inspirantes aussi, faitse de sagesse et d’excès, sous des fameux contre-temps, reconnaissables entre mille.

— sn

Rare Birds / Orchestre Incandescent

Sylvaine Hélary & Orchestre Incandescent — Rare Birds
— Yolk Records

Beaucoup mieux qu’un abat-jour, ce concentré d’oiseaux rares. Rare Birds siffle dans un clair-obscur chipé au XIXe siècle américain. Y aura-t-il un matin pour de vrai ?, interrogeait Emily Dickinson, colonne musicale et textuel du disque. Pas de faux-semblants, en tout cas. Des lumières de matin, il y en a, des clartés d’aurore et d’or pur, aussi. L’Orchestre incandescent, conduit par Sylvaine Hélary, explore un plus juste les miniatures dickinsonniennes, pleines d’une frénésie recluse, pour les allumer des micros-rythmiques, des ruptures immobiles, de folk anglais et de pop baroque. Collision intergénérationnelle géniale, combat amical de répertoires, Rare Birds est aussi une façon de grand orchestre que le paradoxe habite en prince. Lentement, terriblement et magnifiquement. Un truc de poète ? Oui, sans doute. À mettre donc d’urgence dans chaque oreille de France et de Navarre.

— gm

Shadowlands

Shadowlands — Ombres
— BMC

Shadowlands n’est pas du genre à balayer dans les coins. Les coins, il les laisse libres, pour amasser tranquillement ce qu’on versera au tas, plus tard, pour nourrir les projets commun. Des éclats de mémoire, on en trouve pas mal. Des manières de les rendre vivace, au sens botanique du mot, aussi. Ce disque est taillé par la plume habile de Robin Fincker, trop discret souffleur à la précision free confondante. Shadowlands compile folk anglais, âpreté saxée sévère et torsions organique. Si la voix flotte allègrement sur le corpus de chansons revissées, l’orgue s’amuse à déjouer la joliesse et la sagesse que l’époque réclame à ce genre de relecture. L’esprit du trio s’en détourne, et déballe furieusement de ses Ombres et recoins, une liberté féconde.

— gm

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