Conscient et blackbeautiful. Pur produit des 70’s jazz, aussi, ce The Real Thing signé par un des innovateurs hors pair en matière de mélange et de hasard. On vous renverra à la bio de Dizzy Gillespie pour son lot d’innovations. Dont sa trompette, coudée au hasard d’un saut de danseur maladroit, qui est devenue indispensable à la silhouette du souffleur aux joues majuscules. Autre hasard, celui des liens familiaux. Boo Frazier est le cousin de Dizzy, mais aussi un des producteurs du label Perception. D’abord estampillé pop, puis prog rock puis soul-funk, Perception se pliera aux mix de l’époque qui explose tout azimuts. On quitte l’ère bénie du hard-bop, on quitte l’ère insolente du free. Pour mettre les deux pieds dans le flou des limites de répertoire. On appellera ceci fusion. Deux syllabes simples, pratiques pour résumer les grandes largeurs d’idées souvent majestueuses, Bitches Brew de Miles par exemple, pour aplatir les aspérités géniales d’une musique qui cherche sans cesse à se redéfinir. Elle et son propre propos. En gros, comment la virtuosité peut-elle se danser ? C’est le jazz-rock, ouch. C’est le jazz-funk, youpi. N’Bani, morceau d’ouverture de ce disque en porte la marque. Guitare d’Eric Gale qui annonce Prince et ses mauves élucubration splendides. L’intro d’Alligator aussi. Petite fuzz de petit batard en embuscade. Matrix, pepite adorée des diggers et autres DJ de backstage, règle le compte à l’héritage bop en le poussant dans ce qu’il restait à définir de l’avenir noir. Et la basse de Phil Upchurch, responsable à lui seul d’un paquet de tubes à dancefloor, n’y pas amoindrie. Au contraire (lire avec l’accent américain, ndlr). Ceci valut même au roi Dizzy d’être honni. Une basse électrique dans le jazz post-bop ? Hum. Ce n’est pas ce magazine qui prétendra que les jazzeux sont les plus éclairés quant à l’altérité (coucou la couv de Jazznews n°100). Mais on peut affirmer que si cette musique est faite pour les hanches et le cœur, la tête sait souvent rester lucide. Sensible, cette affaire de Real Thing. Mais puissante et consciente.

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Guillaume Malvoisin
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BBE Music : Bandcamp