Bruno Ruder,
Anomalies
sortie le 18 novembre 2022 sur Vision fugitive
Que « Celui qui n’a jamais été seul / Au moins une fois dans sa vie / Seul au fond de son lit » se lève et disparaisse à jamais. Parfois, cette traversée est volontaire. Comme un face à face. Plutôt, imaginons un corps-à-corps. Ce qui est toujours un peu le cas pour du piano solo. Os et muscles contre le bois, l’ivoire et les cordes. C’est ce que documente Anomalies, solo enregistré par Bruno Ruder. Enregistré l’espace d’une demi-journée, dans les onction d’un direct en tête-à-tête avec ses idées et ses obsessions. Sont-ce là les anomalies éponymes ? On ne saurait affirmer. Mais ce qu’on put établir avec certitude, c’est que Ruder explose de teintes lumineuses et de structures savantes dans ce deuxième disque solitaire. Outre les hommages, humbles et clairvoyants, à Robert Crumb, à Goethe, à Charles Ives, à Lennie Tristano ou encore à Olivier Messiaen, Bruno Ruder maîtrise son art de coloriste. Sa musique est visuelle, prend l’espace à plein corps. Avec un intelligence et un sensibilité qui en font un pianiste rare, donc imparable aujourd’hui. Il suffit de renvoyer à sa pochette, réalisée par Emmanuel Guibert, pour rendre à ce disque les couleurs qu’il impose à l’oreille. Qu’il dépose, plutôt. Tant la finesse de Ruder en la matière confine à une forme d’art sacré.
—
Vision fugitive : site web