Cherry Coco
PointBreak a joué l’entremetteur entre le jazz et les millenals qui, a priori, s’en contrefout un peu du jazz. On a laissé jouer les algorithmes. C’est marrant, tous ces tracks qui émergent des descentes de la Gen Z dans SpotiTube, You-Fy et autre AlgoFlash. Ici, c’est un plongeon total dans les contrées sonores du jazz et c’est complètement valable. Bref, c’est Jazz noob. Cherry Coco, c’est le sixième épisode d’une saison 2 de témoignages-vérité.
Devilman Crybaby © Masaaki Yuasa (2018)
Le jazz, cet ancien monde dans le monde nouveau. Un monde d’autant plus inconnu pour moi que je suis un noob complet en la matière. Alors, c’est avec délice que je me lance dans cette expérience. Balancer une playlist et raconter. Ce début, c’est un plongeon dans ce que le jazz représente pour moi. Un œil vers le passé, un œil vers le futur pour faire une musique de l’instant présent.
Commençons. N°1 : Emlilweni par Nduduzo Makhathini. Débuter une playlist jazz par un morceau qui vous renvoie à John Coltrane, c’est prévenir son auditoire qu’on est là pour la tempête avant le calme. Une tempête de saxophone, de piano, sur un tsunami de percussions. Si la masse sonore est quand même incroyable, soyez rassurés, ces gens sont des professionnels. La suite m’a dit bienvenue dans les années 80 du jazz fusion saucé 2022. Bon, les années 80 et moi, c’est compliqué. Mais quand ça groove comme ça… Ça clape dans les mains sur des sons électro avec du chorus et de la reverb partout. Un son de snare à vous envoyer sur les tubes de Afrika Bambaataa. Oublie le swing de papi-mamie, on est sur 2 minutes et 35 secondes de beat binaire et de fringues trop colorés. Note à soi-même : Ecouter I LOVE BLACK WOMEN dans la rue pour marcher avec style.
— Emlilweni de Nduduzo Makhathini (2022)
— I LOVE BLACK WOMEN, Nathan-Paul, E-SERWE, Unc D (2022)
Le temps de réécouter et voilà un rappel. Se poser pour écouter Avishaï Cohen. Gare à l’intellect car le contrebassiste israélien nous envoie dans une longue envolée lyrique de piano de 4 minutes et 31 secondes comme une phrase sans virgule ni trompette qui vous encourage à prendre une belle respiration pour pouvoir la lire car vous pressentez que vous n’arriverez jamais à dire cette prétendue phrase sans manquer d’air pour finalement tomber dans les vapes et qu’en réalité la partition est terminée. Se faire envouter par la douceur du trio. Et reprendre le morceau au début pour s’assurer de n’avoir manquer aucune note.
Avishaï Cohen
DOMi & JD Beck
Et comme la cerise pour le gâteau d’un super moment, voici Smile de DOMi & JD Beck. Prodiges. Imaginez deux bébés qui sortent du ventre de maman pour vous expliquer en détail la bibliographie de Nietzche, ou comment vous servir du mode de La myxolydien bémol 9 sur un accord de Mi bémol mineur maj 7 #11. Ou qu’une jeune femme vienne à l’ONU expliquer que le réchauffement climatique c’est la merde et que c’est maintenant. Quoi qu’il en soit, ça méduse l’auditoire. Ce morceau c’est une espèce de Chill Hop survitaminé, bourré d’improvisations incroyables calées par deux garnements aussi à l’aise que papi dans le Patriarcat. C’est déconcertant de facilité. Mais si un seul peut provoquer des remontées acides, les deux ensemble vous font un bien fou.
Est-ce surprenant de se faire une autoroute de kiff sur du jazz ? Est-ce qu’on se sent aussi coupable qu’en restant bloqué 5 minutes sur Nostalgie ? Après tout, pourquoi se priver de ces petits plaisirs ? Qu’importe, gardez le sourire et à défaut de le trouver seul ou accompagné, trouvez-le avec vos oreilles.
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Bastien Voulhoux
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