Jason Sharp, sax affûté
LeBloc et Sabotage reçoivent un des solos cyborgs de Jason Sharp à Dijon, près des cuves à bières de Un Singe en Hiver. Concert calé pour le Festival MV, mardi 31 mai à 20h. On pose ici quelques notions-clefs pour plonger tête baissée dans ce set.
C’est quoi la combine ?
Un solo de saxophone. Enfin presque, un solo où le musicien est loin d’être tout seul. Sax baryton et sax basse joués moitié-moitié sur la longueur du set. à cela, le saxophoniste canadien ajoute plusieurs microphones posés sur son instru, une pédale de basse, un synthé Moog. Juste de quoi devenir un homme orchestre et construire des symphonies miniatures et hypnotiques. Sharp a également construit un synthé modulaire relié à un capteur qui balance pouls, respiration et pulse cardiaque qui deviennent la matière et le rythme blanc de ce solo. Besoin de personne, quand la musique est bonne.
C’est bien ce passe-passe ?
Oulala oui, bien sûr. C’est même très bien. C’est improvisé, donc un peu dangereux, puissant, donc un peu dangereux, et très sensible, donc tout à fait dangereux. Jason Sharp explore mais ne garde aucun secret pour lui-même. Tout se dévoile dans les crescendo violent comme dans les mélodies minuscules. La dynamique sonore est de genre insterstellaire mais avec les deux pieds dans la cambouis. Etonnant. Ethéré. Dangereux. Parfait, donc.
C’est qui déjà celui-là ?
Jason Sharp est saxophoniste, canadien de Montréal et pilier du label Constellation. Label pour qui il vient de sortir son 3e LP, The Turning Centre Of A Still World. Avant cela, c’est les années de formation à l’école du jazz de Toronto puis d’Amsterdam, c’est des années d’improvisation, de découvertes de master comme Anthony Braxton, d’apprentissage des techniques de respriation circulaire et finalement de déconstruction de ses propres acquis pour aller tutoyer les textures. En résulte, une musique faite de matières, d’ambiances et de lenteurs magnifiques. Immersive et intense, on imagine assez bien ce qu’il peut en être en concert. Du grain moulu menu pour un set qui devrait hanter les tympans pendant plusieurs semaines.
La stat : 50/50
Deux Sax et seulement deux mains. Jason Sharp joue donc alternativement du sax baryton et du sax basse, les deux instrus l’occupant à parts égales sur la longueur de son solo.
Le mot-clé : souffle continu.Rien à voir avec l’apnée filmée par Luc Besson. Le souffle continu est une technique respiratoire bien connus des moines tibétains pour leurs longues phases de méditations. Cette technique a été apporté dans le chaudron du jazz par le saxophoniste Sonny Rollins. Elle permet de tenir une note sur une très longue durée et de respirer sans casser la dynamique du son. Malin !
Le profil du set :
Hypnotique, sans équivoque. Son immersif, corps à corps avec la musique, images vidéos flottantes comme une trace de beurre dans une tasse, ce set ne laisse aucune chance. On est forcément sur un jeu très fermé, fixé en entier sur son objectif, sans erreur d’arbitrage possible. L’ouverture se fait d’elle-même, libératrice et splendide, à la fin du match.
La décla :
« Si ma musique est une passerelle pour découvrir des gens comme Evan Parker, John Butcher, Anthony Braxton et d’autres qui jouent du saxophone avec des techniques étendues, c’est génial. »
Jason Sharp, saxophoniste performeur
au magazine Pan M 360 (2021)
Le récap :
Jason Sharp, solo
concert
par LeBloc, Sabotage et Un Singe en Hiver
mardi 31 mai à 20h – Un Singe en Hiver – prix libre
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guillaume malvoisin
photos © Gwendal Le Flem et © Emily Gan
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