Dälek, câlins hardcore

Cette année encore, le duo de doom-rap saute le précipice et part en live. Quelques notes préalables au set dijonnais du 3 juin, calé avec Sabotage pour le Festival MV à la brasserie Un Singe en Hiver.

Dalek

Festival Sons d’Hiver 2019 © Mélanie Merlier

De passage au festival Sons d’hiver en 2018, le saxophoniste Steve Lehman diagnostiquait : « le hip-hop est comme n’importe quel autre genre musical. On y trouve de farouches personnalités, des individus davantage orientés vers le marché, et toute une gamme dans l’intervalle. » Et dans cet intervalle, un combo comme Dälek navigue à son aise. Dälek c’est, depuis 2015, Will Brooks et Mike Mare.
Dans les longs tunnels sonores creusés par Mike Mare, on entend le soulèvement de conscience. Will Brooks/McDälek scande en guetteur, en faiseur d’hymnes anti-patriotiques. Écoutez Beyond The Madness, Straight Razors. Simple, c’est la Realpolitik appliquée au hip-hop. Mais attention pas la réalité qu’étirait sans rougir Téléphone à la fin d’Un autre monde. Nan, nan. Cette réalité-là sent le bitume, le sang des bavures policières et les viscères qui remuent face à l’urgence qu’il y a à vivre. Lourd. Soit 20 ans d’explorations forcenées. Dälek prend le rap par la face urgente et puissante. Il a toujours fait ainsi. Depuis 98 et les débuts à Newark, New Jersey jusqu’à cette année, avec Precipice, nouvelle masterclass. Le manque de concession semble avoir été vendu avec l’ADN sonore du crew. Épais, saturé en graisse et pourtant minimal. Kolossal. Un brin misanthrope, politiquement vigilant, Dälek anime ses textes de carcasses noircies et d’urgences imparables. En bref, l’époque est dark, faisons du bruit pour l’agiter.

En 1998, à Washington, Saint Clinton est pris dans les jupes de Monica Lewinsky, à Newark, Reggie Noble est déjà Redman depuis quelques temps. Au même endroit, Dälek (prononcer en phonétique approximative Daill-e-lec) sort Negro Necro Nekros, EP inaugural, conscient, cultivé et dense en bouche. Cet équilibre savant vaut au combo une signature chez Ipecac, label fondé par Mike Patton. From Filthy Tongue of Gods and Griots, premier vrai disque de Dälek, sort en 2002 sous l’ère Obama. Un track comme Black Smoke Rises et ses 12 min de spoken word revêche élèvera ses fumerolles angoissées au cœur de l’Amérique post 9/11.
D’angoisse en angoisse, Dälek aboutit logiquement, 7 ans plus tard, au projet Anguish. L’angoisse est câlinée par le mix kraut-stoner-hop, et le line-up du quetru a la tronche d’un supergroupe. Dälek donc, plus Hans-Joachim Irmler de la maison Faust, Andreas Werliin du Fire! Orchestra et Mats Gustafsson, sax baryton volcanique. En live, Anguish sait shooter droit au but. Ça ponctue soigneusement chaque phrase, d’un majeur dressé avec bonhommie à l’intention d’un nouveau président. Donald Trump est rincé au doigt et à l’œil : « F&€%# the President! ». Can’t Stop Won’t Stop. L’assassinat de George Floyd, Charlottesville et l’assaut du Capitole ont trouvé leur bande sonore.

Beyond The Madness

par Dälek | Endangered Philosophies (2017)

« Depuis 20 ans , Dälek prend le rap par la face urgente et puissante. Il a toujours fait ainsi. Ça sent le bitume, le sang, les bavures policières et les viscères qui remuent.»

Dalek

MC Dälek, festival Météo (Mulhouse 2019) © Sébastien Bozon

+ d’infos :
jeudi 3 juin 2022
Un Singe en Hiver – festival MV,
partenariat Un Singe en Hiver, LeBloc et Sabotage :
site web

article extrait du numéro 1
de la version papier de PointBreak,
à lire ici


Guillaume Malvoisin

D’autres articles sur le jazz, le rap et le free
pourraient également vous intéresser.
C’est par ici.

Share This