Jazz arcanes

PointBreak a joué l’entremetteur entre le jazz et la nouvelle génération qui, a priori, s’en contrefout un peu du jazz. On a laissé jouer les algorithmes. C’est marrant, tous ces tracks qui émergent des descentes de la Gen Z dans SpotiTube, You-Fy et autre AlgoFlash. Décontractés, poignants ou sensibles, mais totalement dans le mood des découvertes classes. Bref, c’est Jazznoob. Quatrième épisode de la deuxième saison de nos témoignages-vérité.

par | 28 Fév 2022 | Jazznoob

Jazz Noob Zoé

Arcane © Dominique Bazay, Netflix (2021)

Dans la vie, on a tendance à dire qu’on trouve seulement ce qu’on ne cherche pas. Formulation qui, il faut l’avouer, représente assez bien le principe de cette chronique. On vient vous trouver un matin pour écrire, dans la freelance la plus totale, sur un sujet que vous ne connaissez pas vraiment, dans un style de rédaction qui ne vous est pas beaucoup plus familier. Du jazz, donc. Why not ? J’attaque mes recherches par du classique, il faut bien savoir de quoi on parle. Mon cher ami l’algorithme me fait (re)découvrir en chemin Ella Fitzgerald, Nina Simone et leurs contemporain.e.s. Plongée dans un flot musical lent et onctueux avec In a Sentimental Mood version Duke Ellington et John Coltrane, et I’d Rather Go Blind d’Etta James. Chaque note pèse une tonne et fait ralentir le pas, comme si le moindre accord était lourd de sens. Je continue ma petite brasse en prenant garde à ne pas couler.
I Just Want To Make Love to You, Etta James toujours. Après avoir été bien détendue par une succession de rythmes méga smooth, ça surprend. Les paroles font sourire, on quitte l’ambiance introspective des derniers tracks et on redevient léger. C’est un peu le genre de son qui donne envie d’offrir des fleurs à une inconnue dans la rue. C’est frais, rythmé et plein de spontanéité. Love it. Soudain, le nom de Tracy Chapman, collé à celui de BB King m’interpelle. Ayant dévoré avidement sa discographie je fus bien surprise qu’un tel couple ait pu échapper à mes oreilles. The Thrill is Gone de l’album Deuces Wild, composé de duos. Une petite dinguerie. On se laisse porter, le temps passe et les musiques se succèdent.

Ehrling – Groove (Tropical Confessions, Pt. 4, 2018)

—  Creep, Vintage Postmodern Jukebox ft. Haley Reinhart (2015)

« Entre ancien et actuel les remparts se fissurent, les limites entre joie et tristesse s’effacent et, enfin, mes aprioris sur le jazz se brisent. »

BB King

BB King

Haley Reinhart © Monika Lightstone

Haley Reinhart

John Coltrane à Milan en 1962

John Coltrane

« Une bonne occasion de faire des découvertes musicales » avais-je répondu à la proposition de rédaction qui m’a été faite. Je ne croyais pas si bien dire. Creep, exceptionnelle chanson de Radiohead remixée ici par le Scott Bradlee’s Postmodern Jukebox, interprétée par Haley Reinhart. Rares sont les voix qui m’arrachent de tels frissons et je dois admettre que j’ai reçu un sacré choc. On commence en douceur sur un air de piano qui accompagne une voix fluette, puis l’air de rien le refrain part et tout bascule. Le souffle des cuivres se fait bourrasque, le pianiste adopte des gestes frénétiques, et l’interprète délaisse la langueur au profit de l’authentique. Une voix puissante, caverneuse, qui m’a fait frémir jusqu’au sommet des épaules.
Etourdie par ma découverte, j’explore les albums du groupe pour me retrouver devant un titre lui aussi bien connu, Habits. Autrement dit une musique qui squatte ma playlist depuis un bon nombre d’années, comme beaucoup de ceux pour qui l’adolescence n’est pas si lointaine. Et on est loin du bad mood de la version de Tove Lo ou encore du remix d’Hippie Sabotage. Si les lyrics restent les mêmes, on ne retrouve pas les émotions lourdes et nostalgiques qui leur sont habituellement associées, là on sautille. Des rayons de soleil auditifs traversent mon casque, et une rupture joyeuse prend soudainement vie. Entre ancien et actuel les remparts se fissurent, les limites entre joie et tristesse s’effacent et, enfin, mes aprioris sur le jazz se brisent. On doit tout de même lui reconnaître l’art paradoxal de mettre en lumière des textes tristes et de propager de la joie grâce à eux. Les tracks qui suivent me le confirment : Groove by Ehrling. So sweet ! Si la ligne de basse est tout ce qu’il y a de plus house, cette petite douceur d’à peine 3 minutes respire le jazz à plein nez. De l’électro chill saveur John Coltrane. Yep, il y a chez Coltrane une alliance étroite entre nostalgie et festivité rythmique. Ici, c’est une combinaison complexe de notes folles et d’introspection mélodique. Une fête nostalgique calée sous le blaze de Groove.

— I Just Want to Make Love to You, Etta James (At Last!, 1960)

Tracy Chapman

Tracy Chapman

Je continue sur ma lancée. Coconut Grove de Deep Chills. Cette dernière, tout comme la précédente, offrent des émotions mesurées, soigneusement pesées et soutenues par des basses régulières qui font bouger les épaules. Aussi approprié à un réveil en douceur qu’à de longs trajets en train. À consommer abusivement, mood détente garanti.

Après avoir bien entamé ma petite balade musicale, je change d’application à la recherche de notes plus acoustiques. Big Bad Voodoo Daddy et Mr. Pinstripe Suit. Un groupe que je croyais bien connaitre mais que je n’avais à l’évidence pas du tout approfondi. Je quitte inopinément le XXIe pour quelques pas de danse dans les années 1920, j’écoute les albums les uns à la suite des autres. C’est officiel, j’écoute du jazz.


ZWB

Retrouvez d’autres épisodes de Jazznoob ici.

Share This