Riot Grrrl, la révolution badass
Mathilde Carton sortait son bouquin le 6 mai dernier chez Le Mot et le Reste. Kathleen Hanna, chanteuse de Bikini Kill, est au centre de son attention. La cavalcade des Riot Grrrls bouffe la scène. Revue de 250 pages de révolution punk et féministe.
Kathleen Hanna et Bikini Kill, badass once again © Chris Pizzello (2019)
Compliqué de faire sa place dans un monde 100% masculin quand on est une femme ? Valable aujourd’hui mais déjà très réel dans les nineties. Kathleen Hanna en a un peu (beaucoup) marre. Ne pas pouvoir profiter pleinement d’un concert punk/rock sans être bousculée par des vieux dégueulasses misogynes. Tout simplement, ne pas avoir sa place. Parce que oui, après tout, d’après quelques-unes des personnes profondément intelligentes de l’époque, le punk c’était pas pour les meufs. Bien évidemment, si on se contentait d’écouter ce genre de remarques, le monde ne serait pas comme on le connaît aujourd’hui. Heureusement, Kathleen Hanna, Tobi Vail, Allison Wolfe et d’autres sont passées au-dessus de ces remarques et ont décidé de créer une scène punk 100% féminine. Le motto de ces meufs c’était chanter, crier, jouer et, pardon my french, s’en battre la race. Mais surtout, fuck le capitalisme et fuck le sexisme. La révolution devient obligatoire. Bikini Kill et Bratmobile sont nées. Dans le premier, Kathleen Hanna et Tobi Vail enrôlent Kathi Wilcox. Dans le second, Allison Wolfe drafte Erin Smith et Molly Newman. Toutes américaines. Pays de la liberté, askip. En backstage des groupes, le mouvement Riot Grrrl est né. Avec ses hauts et ses bas. Et c’est ce dont Mathilde Carton parle dans son bouquin. Efficace, authentique. Girl Power, indeed.
« Si le répertoire de Bikini Kill est avant tout l’expression d’une féminité brutalisée, celui de Bratmobile parle d’aliénation. »
— Riot Grrrl, revolution girl style now (Le Mot et le Reste, mai 2021)
Cool Schmool x Bratmobile (1992)
Rebel Girl x Bikini Kill (live, 1993)
Riot Grrrl, c’est un mouvement féministe et musical. Ça parle de viol, de violences domestiques, de racisme, de sexisme et de sexualité. Le Grrrl de Riot Grrrl, ça se prononce Girl mais on roule les 3 r comme si on gueulait fort dans le micro, kinda rock’n’roll vibe. Plus que la musique, c’est la parole que ce mouvement libère. Il rassemble celles qui ont vécu des choses similaires. Un peu un pré-#MeToo, quoi. Sauf qu’au début des nineties, mettre des hashtags sur les réseaux sociaux était impossible. Alors, pour s’exprimer, on chante, on va sur scène, on rencontre et on parle. Et pour faire passer ses idées et se faire connaître, pas de Twitter ni de Facebook, donc on crée des fanzines. Sorte de flyers à idées fortes composés et imprimés en mode Do It Yourself. Pas toujours compris ni écouté, le mouvement prend pourtant et s’étend. Plus qu’un hommage aux Riot Grrrls, le livre de Mathilde Carton est une mini-encyclopédie des artistes et musiciennes qui ont participé à ce début de démocratisation sous le feu ardent des projecteurs. Démocratisation de l’idée que les femmes ne sont pas des objets ni seulement des corps et que oui, surprise motherfucker, elles sont talentueuses. Féministe (non, ce n’est pas un gros mot) et gardant la distance de l’hommage, ce livre est un dictionnaire de références. Parfois même très (très) différentes de Bikini Kill et Bratmobile dans le genre. Beaucoup plus pop, Alanis Morissette, Spice Girls, Beyoncé. Riot Grrrl, c’est 10 ans de recherche et de travail pour Mathilde Carton et une restitution précise du punk rock féministe des années 90. Riot Grrrl rappelle que le Girl Power ne vient pas d’Instagram mais bien de beaucoup plus loin. On dit merci aux Riot Grrrls et même aux Spice Girls. Révolutions en balle et badass à souhait, prend ça la chick lit.
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Ellinor Bogdanovic
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— Fanzine distribué pendant les concerts de Bikini Kill
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